Les valeurs de l’Islam sont-elles compatibles avec l’épanouissement du couple ?
L’engagement dans l’islam
L’islam considère la famille comme le berceau des générations futures et insiste sur la nécessité d’employer tous les moyens pour la stabilité et préservation de celle-ci.
L’importance de l’engagement dans une relation de couple suivant les valeurs de l’islam en garantit en grande partie sa pérennité. La relation de couple, dès ses débuts, est articulée autour d’un projet. Le couple s’attache très tôt à se définir comme noyau d’une future famille. En ce sens, elle favorise la culture d’un amour engagé et incite les partenaires à s’investir.
L’amour est un choix
Après les premiers temps d’une relation amoureuse, l’amour devient un choix. C’est le temps passé à s’investir pour le couple qui en décuple sa valeur. Chaque partie prenant du couple doit acquérir la conviction que c’est son investissement qui peut l’aider le mieux à réussir son couple, et qui lui sera le plus utile à son couple, et son couple aura plus de chances de durer s’il ne s’en remet pas à la fragilité des sentiments. Ces sentiments n’ayant que pour fonction première de réunir deux amoureux, « tourtereaux ».
En ce sens, les valeurs de l’islam sont pleinement compatibles avec la longévité d’une relation, et peuvent être un terreau fertile pour le développement d’un amour durable. Par ailleurs, le choix du partenaire est codifié selon certaines règles (proximité du milieu social, bonne santé mentale et physique, investissement des familles) et ces points favorisent un bon ancrage du couple et participent à sa réussite.
Valeurs de l’islam dans le couple
Dans sa philosophie religieuse, l’islam donne une importance particulière à la dimension sociale et prône la compassion, l’entraide, la solidarité et la fraternité. Ces valeurs s’appliquent aux relations familiales, aux proches, aux voisins et aux nécessiteux.
L’islam s’oppose à toute exploitation de la femme, à son objectivation, et bannit toute idée ou comportement qui puisse la priver de ses droits.
En ce sens, le respect et la bienveillance entre un mari et sa femme sont des bases à priori inaltérables et tout à fait adéquates pour l’épanouissement du couple.
Dans le cadre de la dignité humaine et du respect mutuel, l’islam appelle à l’égalité homme-femme ; considérant que l’équilibre d’une vie de couple se construit sur la complémentarité et l’harmonie entre eux. Néanmoins, même si l’égalité entre l’homme et la femme est mise en valeur, la vie de couple repose sur un socle de différences entre l’homme et la femme, qui leur donne des droits et devoirs respectifs.
Droits et devoirs des femmes musulmanes. Des rôles déterminés.
Contrairement à notre culture occidentale, dans laquelle l’homme et la femme sont davantage « interchangeables » dans leur rôle familial, l’islam porte une vision sur l’équilibre du couple qui se traduit par la notion de complémentarité.
Selon les sermons issus du Coran, la femme a le droit d’être entretenue financièrement par son mari, d’apprendre la piété grâce à son mari, de disposer de sa présence et d’être protégée par lui. Elle a le devoir de lui obéir, de préserver ses biens et son honneur, de s’occuper de son intérieur, de gérer l’éducation des enfants et de ne pas sortir sans l’autorisation de celui-ci. Aussi, par définition, le rapport s’appuie sur des rôles bien déterminés.
Nous allons voir en quoi certains de ces points, en particulier au sein de notre société française, peuvent parfois entraver l’épanouissement du couple, qu’il soit mixte ou homogène.
Facteurs d’épanouissement du couple : le canal émotionnel
La spontanéité, à l’origine du sentiment amoureux
Dans le développement du sentiment amoureux, un facteur est primordial : le fait d’avoir l’espace d’être spontané, de pouvoir oser être soi-même. Le devoir d’une femme d’obéir à son mari en toutes circonstances, même dans une atmosphère de bienveillance et de respect, peut, dans certains cas, mettre la femme dans une position de contrôle. Cela peut la bloquer dans l’expression de ses opinions, de ses passions, de ce qui la fait se sentir vivante : aussi, son mari n’aura pas toujours l’opportunité de la voir sous ses aspects les plus authentiques et les plus attractifs. Leur échange émotionnel peut en être freiné.
La force du sentiment amoureux résulte en grand partie d’un mécanisme de lâcher prise : c’est quand on cesse le contrôle (excessif ou toute forme de contrôle) et qu’on rend la spontanéité et l’échange en vérité, sur ses propres sentiments, possible, que les émotions peuvent circuler librement. C’est en effet dans cette disposition que s’ouvre un canal émotionnel entre deux personnes. Pourquoi ? Car chacun se sent compris, écouté, entendu, par l’autre. Et donc aimé, reconnu comme quelqu’un d’unique.
Pour aller plus loin : Comment lâcher-prise ?
Pourquoi le libre arbitre favorise t-il la confiance ?
La femme musulmane, par devoir, doit obéir à son mari. Elle doit être en position de répondre à ses désirs sans pouvoir poser librement ses limites pour prendre en charge les siens. Alors qu’à première vue ce rapport peut sembler bénéfique à l’homme, en réalité celui-ci devient exclusivement responsable du bonheur de sa femme et cela peut être une lourde charge pour lui, générant, possiblement, des émotions négatives dans le couple. Toutes ses décisions impliqueront une double responsabilité : le mari se doit de prendre en compte dans chacune de ses décisions les intérêts et le bien-être de sa femme qui ne peut faire les démarches pour s’épanouir par elle-même. Cette double responsabilité peut être difficile à assumer pour l’homme et générer du ressentiment ou de la frustration chez la femme.
Par ailleurs, la confiance s’instaure entre deux personnes quand il est possible de dire « non », car alors on sait que l’autre saura nous poser des limites pour respecter ses besoins, son bien-être. Un pouvoir de décision total peut être à l’origine de dérives au sein du foyer et d’une dégradation progressive de la communication et de ses piliers fondateurs.
Point de couple harmonieux sans compréhension de la singularité de chacun ?
Un autre point important dans une relation amoureuse épanouissante est la capacité de l’homme et de la femme de s’adapter au caractère unique de leur partenaire, à ce qui les rend singuliers. En d’autres termes, aucune relation ne ressemble à une autre : pour développer l’épanouissement d’un couple, celui-ci doit être dans la compréhension de ce qui rend l’autre unique. Une relation, pour être fluide, en mouvement, doit se placer dans une écoute respective et régulière des individualités et aussi des besoins et de l’état d’esprit des deux personnes concernées.
Que dire des rôles prédéfinis ?
Plus les rôles sont prédéterminés, figés, plus l’homme et la femme cherchent de manière rationnelle à « être un bon mari » ou « être une bonne femme », plus ils chercheront un idéal d’eux-mêmes et de leur relation. Dans ce cadre, ils risquent de négliger la personnalité et les besoins spécifiques de leur moitié et d’eux-mêmes. Chacun est un être unique et l’espace du couple peut être différent d’un couple à un autre, selon les personnalités de chacun. Et ce bien au-delà de son genre.
Par ailleurs, chaque partie prenante du couple est en constante évolution et les périmètres de chacun, s’ils sont rigides peuvent empêcher l’évolution de chacun.
Si la femme apprend de manière didactique à être une bonne épouse, il est fort à parier qu’elle « calque » ce qu’on lui a appris, ce qui bloque l’épanouissement de sa personnalité, et ce encore plus dans notre société française au 21-ème siècle où chacun parle de développement de soi et développement personnel. Au sein du couple, ces postures très précises selon le genre peuvent aussi bloquer la fluidité de la communication et la création d’un canal émotionnel car la femme n’osera pas toujours parler de sa vulnérabilité, de ses besoins, de ses envies.
Pourtant, l’empathie et la qualité de la communication sont essentiels à l’épanouissement d’un couple.
Pourquoi la liberté encourage l’empathie ?
La dépendance de la femme à son mari (sorties, finances), peut entraver la bonne santé du couple qui évolue dans une culture occidentale. Le contraste entre un éventuel repli au foyer avec l’ouverture valorisée par la culture française risque d’être un élément de frustration pour la femme. Ensuite, avoir un espace d’autonomie et de liberté est important pour nourrir les fruits d’un attachement pérenne. C’est grâce à cette liberté que la femme, de la même manière que l’homme, peut nourrir le couple et la vie familiale, et être ainsi une meilleure partenaire pour son mari. Une partenaire ayant un espace de liberté est plus patiente et plus soutenante envers son mari : si elle-même s’investit dans des projets, mieux les activités professionnelles et les loisirs de celui-ci, faire preuve d’une écoute plus fine et d’une plus grande tolérance.
La liberté de chacun nourrit le couple et le rend plus fort
Si la femme a des moyens d’épanouissement extérieurs au foyer en évoluant dans un espace qui lui est propre, elle sera plus forte, plus intéressante et maintiendra l’intérêt, et même l’attraction de son mari. Le couple s’enrichit des deux côtés, il regorge de nombreux ingrédients pour s’épanouir, et stimule la motivation des deux personnes pour l’entretenir. Ils vont se nourrir réciproquement des expériences acquises à l’extérieur de la relation. Cela permet un plus grand rayonnement du couple.
Dans la culture occidentale, la liberté de la femme n’est plus un danger pour le maintien du couple. Il s’agirait plutôt de cultiver la confiance, et de garder en tête l’importance d’un investissement régulier pour entretenir le couple tout en respectant les individualités de chacun.
La force d’une relation découle des ressources du partenariat, de sa qualité d’échange (matériel, émotionnel, conseils, soutien, expériences, informations) et de sa capacité d’adaptation. Le modèle classique du couple musulman plongée dans notre culture française peut se heurter à des problématiques d’ordre financière (aujourd’hui, un père ne peut plus subvenir de la même manière aux besoins d’une famille), d’ordre social (risque une forme d’isolement) et possède moins de richesses immatérielles (si la femme reste au foyer, alors le couple se nourrit de moitié).
A la question : « les valeurs de l’islam sont-elles compatibles avec l’épanouissement du couple ? »
Nous pouvons résumer les points suivants : la force de l’engagement des deux parties dans une union telle que la conçoit l’Islam peut être le terreau d’un couple durable et un bon socle familial. L’investissement dans le couple et l’appui sur des projets participe grandement au développement de l’amour. Cependant, le rayonnement et la qualité du couple va de pair avec le développement personnel de chacun, et celui-ci peut être entravé par les devoirs de la femme au sein du couple.
Dans l’islam la motivation pour s’investir dans le couple vient de l’extérieur (droits et devoirs) et les rôles fixes accordés à chacun ne vont pas dans le sens d’une motivation personnelle (confiance, attraction, échanges, communication, empathie, admiration) à entretenir le couple au quotidien.
L’ouverture au monde pour l’homme et la fermeture au foyer pour la femme entraine un rapport déséquilibré si il est strictement appliqué : l’homme nourrit le couple et prend les décisions, et la femme reçoit et obtempère. Ce rapport, s’il peut entrainer un partenariat fonctionnel et durable, ne favorise pas le rayonnement du couple (seule une des parties « l’enrichit »), et ne permet pas à la femme de préserver et de renforcer son attractivité (elle ne peut pas enrichir le couple, au sens propre et figuré, ni poser des limites à son mari pour leurs bien-être respectifs).
En France, cette dynamique de couple spécifique peut également se confronter à une certaine forme d’ostracisme car en inadéquation avec la culture environnante.
Un couple musulman intégré en France devrait idéalement pourvoir assouplir ses rôles, s’ouvrir de manière libre aux richesses extérieures, et cultiver une bonne communication au quotidien.