POURQUOI L’OFFENSÉ PARDONNE MAIS RAREMENT L’OFFENSEUR
Ce sentiment d’oppression, de négativité, de déception, cette boule au ventre parfois prenante que chaque couple expérimente un jour… Voici les conséquences d’une dynamique où l’un des partenaires manipule, opprime, rabaisse l’autre de façon parfois totalement involontaire, inconsciente, et ce, malgré l’amour. Lorsque ce schéma relationnel s’impose au sein d’une relation, l’offensé pardonne souvent alors que l’offenseur tend à rarement assumer le poids de ses erreurs à l’égard de l’autre. Alors pourquoi est-t-il si difficile, pour celui qui opprime, d’admettre ses responsabilités, d’accorder son pardon à l’autre, celui qui, paradoxalement, n’a de quoi être blâmé ?
Jean Jacques Rousseau dira « Je connais trop les hommes pour ignorer que souvent l’offensé pardonne, mais que l’offenseur ne pardonne jamais ».
Explications… sur cette propension fondamentalement humaine à fuir ce que l’on inflige à l’autre malgré soi.
LE COUPLE MIROIR
Si le couple est une entreprise complexe qui exige que chacun acquiert une maturité émotionnelle et une pleine conscience de soi, il est également le terrain fertile et privilégié des névroses et blessures narcissiques de chacun. Lorsque deux êtres s’unissent l’un à l’autre et empruntent un chemin commun, l’amour se confronte parfois au désamour de soi, à l’incomplétude de chacun. Nous avons un besoin fondamentalement inconscient de projeter sur l’autre ce que notre « inner-self » ne peut concevoir et accepter de lui même. Dans cette dynamique réflexive où chaque partenaire perçoit en l’autre tout ce qu’il a de plus, où chacun se retrouve confronté au manque qui le constitue, des sentiments très antagonistes émergent parfois.
L’AUTRE, CE REFLET DE TOUT CE QUE L’ON N’EST PAS
L’on contemple souvent chez l’autre le reflet de tout ce que l’on ne reconnait pas en soi, de ce que l’on n’accepte pas de soi, de ce qui a besoin d’être guéri. Cet autre aux blessures infantiles souvent similaires aux nôtres, qui aura su les outrepasser d’une façon qui nous échappe. Il est plus extraverti, plus confiant, plus maitrisé, plus coléreux, plus passionné… Il est ce "plus" que nous, que l’on possède pourtant dans les tréfonds de notre intériorité. Celle avec laquelle on ne se résout à se familiariser. Et quoi de plus déroutant pour l’inconscient, cet entité à l’égo marqué, de percevoir en l’autre, ce qu’il ne peut percevoir de lui même…
OFFENSER L’AUTRE, CE MÉCANISME DE DÉFENSE DU PSYCHISME
Le désamour de soi, la non acceptation de cette incomplétude est alors projetée sur le partenaire, celui qui nous ressemble tant mais qui est si différent dans sa façon d’avoir surmonté ses faiblesses, celles précisément, que notre inconscient ne peut se résoudre à accepter pour lui même. Voilà que d’amoureux transit, l’un des partenaires glisse dans le rôle d’offenseur en détournant l’agressivité à sa propre encontre, vers l’autre partenaire, celui qui lui remémore sans cesse l’incomplétude qui le torture.
LA DIFFICULTÉ D’ACCEPTER SES RESPONSABILITÉS
Comprenons ici qu’assumer ses torts en tant qu’offenseur est une entreprise complexe pour l’inconscient tant cet « inner self » se trouve paralysé par la survenue d’une confrontation à lui même, celle qu’induit la prise de conscience de ses responsabilités. Car il est un mécanisme de défense profondément ancré dans les processus du psychisme humain, celui de fuir ces actes, ces paroles, ces attitudes et comportements avilissants qui sont gratuitement infligés à l’autre.
QU’EST-CE QU’ASSUMER SES RESPONSABILITÉS EN TANT QU’OFFENSEUR ?
Assumer ses responsabilités en tant qu’offenseur revient précisément à reconnaitre cette souffrance intrinsèque, cette incomplétude, ces blessures narcissiques qui orientent nos schémas de pensée et alimentent cette capacité de destruction latente, tant sadique que masochiste. Car en infligeant à l’autre, c’est souvent soi même que l’on tente de blesser.
S’ACCEPTER SOI POUR ACCEPTER DE PARDONNER L’AUTRE
Dans une dynamique offenseur/offensé, l’on constate souvent que le plus opprimé des deux partenaires est le plus à même de pardonner l’autre pour les souffrances qu’il lui inflige. Car il est un adage bien connu, l’homme malheureux projette le malheur autour de lui et utilise ce qui est à sa portée, celui/celle qui ose l’aimer, celui/celle qui ose lui accorder de la valeur et de la considération, alors que lui-même ne s’en accorde pas.
Cette personne aimante devient pour l’offenseur objet de substitut pour déverser la rage qu’il entretient à l’égard de sa propre personne.
UN APPEL À L’AIDE
Opprimer l’autre incarne, en outre, toujours un appel à l’aide de la part de l’être aimé. L’offensé qui pardonne est généralement celui dont l’estime de soi et les épaules sont suffisamment solides, saines et armées pour accepter les attaques du partenaire, cet autre qui expulse sa fragilité et ses blessures en dehors de lui pour ne pas avoir à les affronter.
QUE FAUT IL TOLÉRER EN SOI POUR NE PLUS OPPRIMER ?
Pardonner l’autre, accepter ses responsabilités, c’est finalement tolérer en soi la partie insatisfaisante de notre intériorité, lui offrir l’espace et la reconnaissance qu’elle exige pour constituer notre unicité et ne plus être seulement cette partie non assimilable, non désirable de soi que l’on rejette sur l’autre.