Ne pas confondre amour et admiration

Nombreux sont les couples qui se construisent sur l’admiration intellectuelle de l’un pour l’autre, ou encore – variation sur le même thème – sur une admiration intellectuelle mutuelle comme deux « cerveaux » attirés l’un vers l’autre par une sorte d’admiration narcissique, un effet « miroir ».

Ce type de relation peut fonder des couples solides, aux échanges riches qui nourrissent l’état amoureux, mais il peut y avoir impasse amoureuse si l’admiration intellectuelle fait abstraction des valeurs de celui que l’on vénère.

Il faut bien prendre conscience que ce genre de relation n’est souvent orienté que vers le profit personnel, qu’il soit conscient ou non : « Sa culture est si grande que grâce à lui, je vais apprendre tous les jours. »

Force est de constater que cette recherche d’élévation personnelle est éloignée de l’abnégation du sentiment amoureux. La rupture amoureuse guette dès que l’un se lassera de ce savoir qui l’intéressait auparavant ou lorsque les deux intellectuels auront fait le tour des discussions qui leur tiennent à cœur.

De plus, ce qui fait la richesse singulière de la relation amoureuse, c’est qu’elle nous touche à tous les niveaux à la fois. Or, si l’attirance amoureuse est concentrée sur l’aura intellectuelle de l’autre, on en néglige les autres dimensions affectives ou physiques.

Lorsqu’on est ébloui par les qualités intellectuelles de quelqu’un, on tend à ne pas vouloir considérer la question des valeurs fondamentales communes. Il faudra donc faire l’effort de percer le masque « intellectuel » pour découvrir l’être en lui-même,  et s’assurer qu’il nous convient bien.

Les relations basées sur le mode de l’admiration intellectuelle sont rarement égalitaires, au sens où l’un peut se sentir petit face à l’immense culture de l’autre. Or, il faut comprendre que l’état amoureux mène plus aisément à l’épanouissement s’il est le fait d’une relation entre personnes installées sur un pied d’égalité, malgré leurs différences (intellectuelles ou autres).

Essayez de ne pas idéaliser l’autre et sachez voir si, de son côté, il vous admire et vous aime pour ce que vous êtes et non pas seulement pour l’image que vous lui renvoyez de lui-même. Et si c’est le cas, tout s’apprend, se transforme et peut évoluer !

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Je l’aime ou je l’admire ?

On a donc facilement tendance à confondre amour et admiration. J’insiste sur ce fait car l’amalgame entre les deux est l’un des principaux travers à éviter en amour, et le facteur majeur d’un célibat qui s’éternise. Il s’agit de comprendre que choisir comme partenaire quelqu’un parce qu’on l’admire peut être parfois source de grandes désillusions. Être en quête de l’âme sœur, c’est chercher souvent en elle une image valorisante. Parce qu’une personne intelligente, belle, sociable, cultivée nous aime, nous nous sentons valorisés et même davantage reconnus par notre entourage.

Le problème de ma moitié qui est mon « trophée » ou mon « faire-valoir », c’est qu’on ne peut pas la séduire longtemps, elle ne s’y retrouve pas. Et elle nous quitte sans très bien savoir pourquoi. Et si la relation tient, dans de rares cas, c’est de manière très bancale. Car j’oublie de l’aimer pour l’essence de sa personnalité, de même que j’oublie de chercher quelqu’un qui m’aime pour ce que j’ai au plus profond de moi. Si ce partenaire, tel un faire-valoir, se met à être défaillant et ne satisfait plus mes attentes trop élevées sur le plan du paraître, il sera critiqué et peut-être même laissé pour compte, car il ne tiendra plus son rôle. Que devient cet amour-admiration lorsque survient un « revers de fortune », une perte d’emploi, une dépression ?

L’admiration pour les seules valeurs du paraître (signes extérieurs de richesse, bonne famille, bonne école, bonne éducation, bonnes fréquentations, excellente réussite professionnelle) ne peut en aucun cas être confondue avec de l’amour. Il s’agit d’une admiration intéressée qui puise sa source dans le manque de confiance en soi ou dans une méconnaissance de ce que l’amour peut nous apporter.

Lorsque je n’ai pas une bonne estime de moi, que je n’ai pas conscience de ma valeur, je vais la chercher à l’extérieur de moi-même. Ce livre est là pour aider chacun de nous à ne pas se dévaloriser, afin de ne pas passer à côté de l’amour véritable.

Faut-il admirer pour aimer ?

L’admiration fait très souvent partie des « ingrédients » de l’amour. Il est impossible d’aimer quelqu’un sans lui trouver de grandes qualités que l’on admire. Ainsi, admiration et amour peuvent faire très bon ménage, à la seule condition que l’admiration ne se base pas sur l’idée que l’autre est mieux que moi.

Une admiration est saine si elle porte sur des qualités de l’« être » : les qualités humaines, propres et qui ne dépendent pas de sa situation ni de ses connaissances. Dès lors que les deux partenaires éprouvent chacun une admiration qui n’est pas inconditionnelle et sont lucides quant aux côtés positifs et négatifs de l’autre comme de soi, alors l’amour est possible.

Connaître les limites de l’être aimé constitue l’un des fondements de l’amour. Pouvoir dire à l’autre : « Je t’aime avec toutes tes qualités, et j’admire particulièrement ceci ou cela, mais je sais aussi que tu n’es pas indestructible, ni parfait(e) », c’est une forme de déclaration d’amour.

Aimer l’autre pour son calme naturel, son autonomie, son caractère pragmatique, son esprit libre, son côté rêveur est valorisant pour le couple, car l’être aimé l’est pour ce qu’il est. Et l’on sait que cette personne, aussi admirable soit-elle, n’est pas parfaite : j’accepte qu’il/elle commette des erreurs, se trompe, soit très insuffisant(e) sur un autre sujet.

Par exemple, dans un couple, la femme peut admirer le calme et la réserve de son partenaire tout en estimant que son côté plutôt rêveur et distrait est parfois très agaçant. Cet homme peut admirer l’enthousiasme et le côté extraverti de sa compagne tout en considérant qu’il y a des moments où elle l’épuise… L’admiration de l’autre ne doit en aucun cas rendre aveugle.

Voici deux exemples d’admiration, l’une saine, l’autre non constructive, pour éclaircir ce sujet délicat.

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Laurent et Inès : une admiration côté pile ou côté face ?

Soit Inès aime Laurent pour ce qu’il est fondamentalement, c’est-à-dire ses valeurs, son goût pour la liberté et son regard positif sur la vie. Il est certes très intelligent, mais elle le considère comme son égal. Son intelligence, le fait qu’il parle bien en public ou qu’il fasse rire les autres ne sont que les ingrédients d’un tout, d’une personnalité très complète qui plaît à Inès dans son ensemble.

Soit Inès a tout de suite été très admirative de l’intelligence de Laurent. Elle s’est alors focalisée sur cette qualité et a oublié d’aller vérifier que Laurent lui convenait aussi sur d’autres plans (sa gentillesse, son attention, sa relation aux autres…). Pourquoi ? Parce que le fait qu’elle trouve un compagnon intelligent compte plus que tout à ses yeux ! Et cela suffit presque pour elle.

Dans le premier cas, Inès aime une personne pour sa personnalité dans son ensemble et le fait qu’elle admire son intelligence est sain.

Dans le deuxième cas, Inès pense inconsciemment que cette qualité qu’elle admire tant va en quelque sorte « déteindre » sur elle. Si elle doute d’elle-même, elle sera rassurée puisqu’elle est aimée par quelqu’un qui est intelligent. Elle se rassurera donc sur ses propres limites en admirant la qualité qui, selon elle, lui manque un peu. Ce qui n’est pas très sain, c’est que cette focalisation sur l’intelligence de Laurent va amener Inès à ne pas s’assurer que son attachement est aussi valable sur d’autres plans très importants pour la construction d’une relation : par exemple, Laurent veut-il son bonheur ? Respecte-t-il sa personnalité ? Etc.

Étienne admire sa femme qu’il met sur un piédestal

« C’est bien simple, j’admire tout chez elle ! » Cette attitude est très fréquente. Étienne ne peut regarder sa femme qu’en levant la tête puisqu’il se place d’emblée à un niveau inférieur. Or il est très inconfortable que la barre soit placée si haut : aucun droit à l’erreur n’est permis. Il ne s’agit pas toujours d’amour, il s’agit souvent d’admiration excessive. Lorsque l’on bénéficie d’une bonne estime de soi, on ne considère pas l’autre comme supérieur ou inférieur à soi : l’autre est tel qu’il est, un point c’est tout. Mais c’est surtout, après quelque temps de la relation, très épuisant pour la personne admirée de ne pouvoir échanger avec l’autre de façon simple. Être hissé si haut est lourd à porter à la longue, l’autre nous pousse à bout avec son admiration sans bornes et l’on a alors envie d’une relation plus vraie, plus grande, où l’autre  se livre sans masque.

Les conséquences d’une admiration excessive

Une personne qui est persuadée que l’autre est « tellement mieux qu’elle » risque de vivre sans arrêt dans l’inquiétude de le décevoir à chaque instant. Le décalage ainsi vécu (qu’il soit justifié ou non) génère des attitudes et des comportements trop souvent dénués de spontanéité. Car si la personne admirée n’a pas droit à l’erreur, la personne qui admire non plus. Dotée d’une faible estime d’elle-même, cette dernière craint que l’autre ne s’aperçoive qu’elle n’est pas « à la hauteur » : elle se tient alors sur la défensive. S’installe dès lors de la rancœur contre l’autre : par son comportement, il s’est révélé décevant. Du coup, il n’entretient plus, ou mal, l’estime de soi de celui (celle) qui l’admirait tant. Son partenaire finit par ne plus l’admirer du tout et se pose en victime. Mais victime de quoi ? De l’imperfection de l’autre qui devrait à ses yeux s’excuser de n’être qu’un être humain ?

L’autre qui se sent admiré, ressent qu’il n’a pas le droit à l’erreur et peut percevoir qu’il n’est pas fondamentalement aimé pour ce qu’il est, mais pour ce qu’il fait. Comment, dans ces conditions, vivre une relation épanouissante ? Le contrôle de soi tue l’attraction que l’on dégage.

Le plus important est que la relation permette à chacun de grandir individuellement. C’est si beau d’être sur un pied d’égalité, de sentir que l’amour est une terre fertile pour nous aider à grandir. Plus on reporte toutes ses attentes sur soi, plus on peut être heureux en couple.

Xu Ge Fei, dont je parle longuement dans l’étape 4, nous rappelle si joliment qu’il faut aussi ne pas oublier de grandir soi, seul(e). Dans son livre, Petite Fleur de Mandchourie (XO, 2010), elle s’interroge sur son histoire d’amour avec un homme important, un artiste, qui a beaucoup d’obligations alors qu’ils n’habitent pas le même pays. Cette relation dure depuis quelques années déjà, elle est dans l’avion, elle rentre chez elle en France après un temps passé avec lui à l’autre bout du monde, et observe le soleil dans sa féerie de couleurs à travers le hublot : « William est pareil à ce soleil, il me propose d’être sa terre, de tourner autour de lui en bénéficiant de ses rayons et de sa chaleur, c’est magnifique, mais que vais-je faire de mon rayonnement à moi ? Comment puis-je grandir si c’est lui le centre de mon monde ? Peut-il y avoir deux soleils dans le même système ? » Elle décidera alors de le quitter.

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Crédit image : @alinavolnami Pinterest