En 2017, l’affaire Sarah, violée à 11 ans et considérée comme “consentante”, pose la question nationale d’un seuil du non-consentement sexuel. Jeudi 21 janvier, le Sénat a voté à l’unanimité en première lecture une nouvelle loi fixant celui-ci à 13 ans. Mais sa réception a provoqué des réactions houleuses de la part de nombreux internautes et associations, que Love Intelligence se fait un devoir de décrypter dans cet article.
La loi
La majorité sexuelle, une notion absente de tout écrit officiel
Contrairement à ce que disent de nombreuses personnes, il n’existe aucun écrit officiel sur la majorité sexuelle, qui soi-disant a été fixée à 15 ans. En réalité, il s’agit de l’article 227-25 stipulant que
"Le fait, par un majeur, d’exercer sans violence, contrainte, menace ni surprise une atteinte sexuelle sur la personne d’un mineur de quinze ans est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.”
Ainsi, au-delà de cet âge, toute relation avec un majeur, librement consentie, et dans laquelle la personne majeure n’abuse en aucun cas de sa supériorité ou autorité est autorisée. D’où la confusion de la soi-disante “majorité sexuelle fixée à 15 ans”.
Une révision de l’âge du consentement sexuel
Révisé ce jeudi 21 janvier, l’article 227-24-2 concernant le seuil de non-consentement avant 13 ans affirme que
“Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis par une personne majeure sur un mineur de 13 ans est puni de vingt ans de réclusion criminelle lorsque l’auteur des faits connaissait ou ne pouvait ignorer l’âge de la victime”
Avec ce nouveau "crime sexuel sur mineur", il n’y aurait pas besoin de "prouver" l’absence de consentement après un acte sexuel entre un majeur et un mineur de moins de 13 ans.
Les conséquences de cette loi
Le débat autour de cette loi :
Si les Sénateurs ont répondu à l’attente de 81% [2] des Français en fixant un seuil de non-consentement pour les relations sexuelles avec les majeurs, la réception de la révision de cette loi ne s’est pas faite comme prévue. Au contraire, de nombreuses polémiques autour de cette loi ont alimenté les réseaux, et débats. La raison est qu’il y a deux manières de considérer cette loi : si elle peut être considérée comme une loi visant la protection des enfants mineurs de 13 ans, elle peut aussi être interprétée comme un abaissement de la “majorité sexuelle” à 13 ans. D’où un débat virulent.
L’étude Harris Interactive pour l’Association Internationale des Victimes de l’inceste (AIVI) permet de rendre compte des différents avis grâce au sondage suivant :
L’argument en faveur de cette loi
- Même si l’on n’a pas la preuve qu’il s’agissait d’un acte sexuel non consenti entre un majeur et un mineur de 13 ans, on sait bien que l’enfant n’est pas prêt physiquement et psychologiquement pour cela. Il est donc du devoir de l’adulte d’agir en conséquence. Ainsi, nul besoin de preuve, car tout acte sexuel même consenti serait un manquement de l’adulte à son devoir de préserver l’enfant en bonne santé.
Les arguments contre cette loi
Globalement, les opposants à cette loi la considèrent comme la baisse de la notion du consentement, qui était officieusement considérée à 15 ans, et donc, comme la permissivité de la pédophilie sur des enfants âgées de plus de 13 ans. Les arguments en défaveur de cette loi qui ont découlent sont les suivants :
- Si l’on commence à abaisser l’âge du consentement à 13 ans, à quel âge va-t-il être fixé dans 10 ans ?
- On interdit la fessée, mais on permet officieusement le viol au delà de 13 ans : on sait bien que prouver le non consentement peut être très difficile dans certains cas.
- Baisser l’âge du consentement, c’est ouvrir la porte à pleins d’autres choses, comme l’autorisation de fuguer, fumer, etc.
- Marlène Schiappa a posé la question du “13 ans et 1 jour” : peut-on considérer qu’un enfant puisse être consentant à 13 ans et 1 jour ? Un enfant peut-il même être consentant à 15 ans, c’est-à-dire un élève de 3e, à une relation sexuelle avec une personne majeure ? L’âge du consentement est trop bas.
- Si la majorité en France est fixée à 18 ans, ce n’est pas pour rien, c’est qu’à cet âge là, chacun a acquis une certaine maturité qui lui permet de voter, conduire, et agir en tant que citoyen responsable. Pourquoi alors l’âge du consentement sexuel est abaissé à 5 ans avant, âge auquel on sait parfaitement que l’on est encore immature, surtout d’un point de vue affectif ?
- Cette loi constitue "un affaiblissement de la protection des mineurs de 13 à 15 ans", selon le ministre de la Justice, Eric Dupont-Moretti.
Les alternatives
Face aux protestations de nombreuses personnalités comme Alexandra Lamy, Flavie Flament, Alysson Paradis, Marie Fugain, Anne Le Nen, Julie Gayet, ou d’associations telles que Innocence en Danger, ou Face à l’inceste, face à cette loi, des alternatives sont envisagées.
Le 18 février, un écrit de la députée Isabelle Santiago a été examiné à l’Assemblée nationale. Son but est de fixer le seuil de non-consentement à 15 ans en cas d’atteinte sexuelle et de viol et 18 ans en cas de crime incestueux.
Enfin, la députée Alexandra Louis cherche à établir également une interdiction stricte entre un enfant âgé de moins de 15 ans et une personne majeure.