Étais-je préparée à l’humaine imperfection de l’amour ?
Un premier mari incarne avant tout pour nous le prince charmant, celui qui sera forcément notre grand amour pour la vie. Celui qui saura reconnaître en nous la personne unique, étonnante, singulière, inégalable que nous sommes. Celui qui posera ses yeux sur nous en se disant « c’est elle ! ». Avec lui, plus de douleur, plus de souffrance, plus de manque … Le prince charmant, c’était notre terre promise et nous aurions dû avec lui, en principe, nous nourrir de lait et de miel, et mieux encore : de céleste ambroisie, la nourriture des dieux ! C’était alors le temps des vibrantes espérances et des illusions enamourées. Non préparées à l’humaine imperfection de l’amour, nous étions pourtant persuadées que notre histoire allait échapper à l’échec fatal des vieux couples dont l’image nous effrayait. Nous pensions que l’amour était éternel et le couple absolu.
Trop lourde de mes attentes
Mais notre bagage de jeune promise était lesté de lourdes attentes à choisir entre frustrations et blessures accumulées pendant notre jeunesse : complexes physiques, sentiments d’infériorité, trahisons, manque d’amour maternel, échecs, rivalité fraternelle, sévérité paternelle…. Et ces failles accumulées pèsent comme un fardeau sur le couple, alors chargé de l’impératif catégorique de réparer toutes ces injustices, tous ces « préjudices ». Un impératif catégorique qui interdisait au couple le droit à l’erreur. Tant de pression … pauvre couple !
Un père pour nos enfants…en ai-je oublié la femme en moi ?
Pour couronner le tout, dans ces bagages, il y avait encore pour certains les injonctions familiales auxquelles nous ne pouvions pas déroger : « Tu seras une mère, ma fille ! Tu seras un homme, mon fils ! ». C’est-à-dire que ce premier couple, nous ne l’avons pas choisi seul(e) mais avec les lunettes de notre société d’appartenance avec, en ligne de mire, une famille à fonder. Le sexe, c’était donc assez sérieux. Alors plutôt que d’explorer notre potentiel de femme incendiaire à balconnets, nous avons choisi d’être la douce femme… peut-être pas assez femme fatale ou provocante ?
Je me cogne à mes rêves puis à mes désillusions
Une robe blanche défraîchie, une taille légèrement épaissie et trois enfants plus tard, il ne reste plus face à nous que la réalité et ses dures désillusions : un homme qui a pris quelques poignées d’amour, qui parle plus volontiers de sport, start-up ou politique avec ses amis que du bleu profond de nos yeux. Et que la télé ou tout écran intelligent hypnotise mieux que nos courbes encore affolantes. Retour au mal d’amour. Le mythe du Prince Charmant n’a pas capitulé, le coriace ! Toujours dans notre tête, nous rêvons de le voir arriver plein d’envie d’échanger, de nous embrasser fougueusement, et qu’il nous fasse encore vibrer.
Enfin délestée de mes attentes ? Et j’envoie tout valdinguer !
Mais cela n’arrive pas, et un jour, nous nous rendons compte que nous nous sommes délestées finalement, en vrac, de nos illusions, nos idées préconçues, nos attentes, nos blessures à soigner, notre manque à combler. Ce jour-là, nous sommes devenues la jeune fille que nous avions toujours voulu être, malgré les années : plus autonomes et dégourdie, plus libre et affranchie, nous n’avons plus vingt ans, mais dans notre mental tout est devenu possible. Nous avons compris que désillusionné, et donc allégé, notre égoïsme – bâillonné pendant des années au nom d’intérêts (famille !) supérieurs – se met à cogner à la porte pour réclamer ses droits. Car des devoirs, justement, nous avons beau nous creuser la tête, nous n’en voyons plus trop ! Un grand nettoyage de printemps pour marquer la rupture avec cette vie qui ne nous ressemble plus, avec ce passé dont nous ne voulons plus. Vivre neuf et tout virer et surtout, surtout… notre mari ! Comme si justement, c’était lui le fautif, qu’il suffirait de congédier pour que tout soit différent.