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Les limites à être un homme dans une société patriarcale

Peut on être victime d’une société qui semble pourtant nous donner tout pouvoir ?

Les « dominants » dominés

En janvier 2019 l’Association américaine de psychologie (APA) a publié pour la première fois un ensemble d’orientations pour le traitement des hommes (celui pour les femmes date d’il y a 10 ans). La rédaction de ces recommandations aura été fondée sur 40 ans de recherches et les résultats sont alarmants :

- Le taux de suicide est 3.5 fois plus élevé chez les hommes que chez les femmes
- Plus de difficultés scolaires
- Les hommes sont plus durement punis à l’école
- Ils représentent 77% des victimes d’homicides et 90% des auteurs. Ces chiffres sont si parlants qu’une fois sous les yeux, cela parait un peu fou qu’ils n’aient pas été mis en lumière plus tôt.

Des croyances limitantes dans l’épanouissement des hommes

Selon nous, c’est une erreur de minimiser la souffrance induite par le fait d’être un homme dans une société patriarcale. Il est tout à fait possible de faire partie des « privilégiés » et d’être opprimé. Avec des stéréotypes de genres extrêmement rigides, la société traditionnelle peut en fait écraser les individus qui l’ont construite. C’est un vrai paradoxe et pourtant les faits sont là.

Un des freins à la reconnaissance de cette souffrance est la confusion entre le fait de reprocher un comportement à certains hommes et le fait d’associer ce comportement à tous les hommes. Cette confusion a été une des limites au mouvement #Metoo en 2017. Notre article sur le sujet : Quel est l’impact de Metoo et BalanceTonPorc sur nos rapports avec le sexe opposé ?

L’homme, une minorité sociale ?

Le début du 21e siècle est marqué par la prise de parole de bon nombre de minorités sociales qui dénoncent les discriminations dont elles sont victimes. Jusqu’à aujourd’hui une frange de la population semblait être exempte de toute difficulté pour ce qu’elle est, l’homme blanc hétérosexuel. Nous nous interrogeons sur les impacts négatifs et potentiellement toxiques que peuvent avoir les stéréotypes de ce qu’est « être un homme » sur le bien-être des hommes.

Une remise en question tardive

En psychologie l’homme blanc hétérosexuel a toujours fait lieu de neutralité. Les femmes, les personnes âgées, les enfants, les homosexuel(le)s, les personnes de couleur avaient leur pathologies et traitements associés. Il n’est pas possible de porter un regard objectif sur sa condition or, dans l’histoire de la psychologie, les grands noms sont majoritairement masculins. Freud lui-même, qui a pourtant découvert et mis en lumière l’inconscient, n’a pas jugé bon de se faire analyser. Cela explique peut-être pourquoi la discipline à mis tant de temps à définir les risques psycho-sociaux inhérent au discours viriliste.

Le discours viriliste traditionnel se traduit par des injonctions telles que : « soit fort, soit compétitif, ne pleure pas, il faut savoir prendre des décisions, être un leader, ne pas douter, etc ».

Différentes formes d’organisations autour de cette souffrance

De manière surprenante les réactions n’ont pas toutes été positives suite à la publication de ce rapport. En effet les recommandations ont été lues comme si elles remettaient en question le fait d’être un homme et non la masculinité traditionnelle rigide.

Outre-Atlantique nous pouvons observer deux réactions d’organisation à ces injonctions virilistes.

- La première nous semble saine et constructive. L’association White Ribbon par exemple est constituée exclusivement d’hommes et a pour but de lutter contre les violences faites aux femmes. A travers des rassemblements et des spots publicitaires de prévention ils dénoncent l’impact des injonctions du type « Un grand garçon ne pleure pas » sur la gestion émotionnelle future de ces garçons devenus des hommes.

- A l’opposé de cette démarche nous assistons également à l’émergence de groupuscules masculinistes qui promeuvent une haine des femmes. Selon leur vision la cause de leurs malheurs est associée à la liberté, récente, des femmes. « Il suffirait que leur femmes arrêtent de leur prendre leur boulot et ils ne seraient plus déprimés ». Nous avons pu mesurer l’ampleur de la potentielle dangerosité de ce discours à la suite de l’attentat le 23 avril 2018 où un homme, qui adhérait à des groupes masculinistes extrêmes comme les « incels » (groupe qui se présente comme des hommes célibataires malgré eux et qui appellent à violer les femmes), a délibérément foncé en camionnette dans un cortège tuant 10 personnes dont 8 femmes.

Un autre symptôme d’une société trop genrée

L’expression des émotions étant connotée féminine, l’injonction que vont entendre les petits garçons va être de ne pas pleurer, de ne pas se plaindre pour être « un grand garçon ». L’exemple paternel a aussi son rôle à jouer, nous apprenons en imitant nos figures d’attachement et même si il n’y pas d’injonction verbale directe le fait de ne pas voir son père s’exprimer, notamment sur des sujets sensibles potentiellement blessants, suffit à intégrer qu’un homme ne montre pas ses faiblesses. C’est une croyance limitante car, que l’on ait appris à exprimer ses émotions ou non, elles sont tout de même là et trouveront un passage par lequel s’exprimer.

Le risque pris lorsqu’on n’a pas prise sur nos émotions

Le risque est de ne pas comprendre un comportement, une réaction, un sentiment par méconnaissance de ce qui se joue en nous. Arrive donc le moment où la peur, la colère sont projetés vers l’objet qui semble avoir ce droit : les femmes.

Sommes-nous genrés malgré nous ?

Il est intéressant de voir que ces injonctions sociétales sont transmises de manière souvent non consciente par les parents à leurs garçons. On accepte plus souvent d’un garçon qu’il fasse des crises de colère, on le responsabilise moins sur les tâches ménagères, la violence physique est plus tolérée chez les garçons ce qui génère un apprentissage de gestion de la colère appauvri.

L’incidence, entre hommes.

Un autre frein lié à cette difficulté d’expression des sujets blessants, c’est que cela se rejoue dans les interactions entre hommes. Le fait d’admettre être blessé par quelque chose ou quelqu’un étant vu comme une faiblesse dès le plus jeune âge, limite la possibilité d’en parler librement et de se rendre comme que, miracle !, tous les hommes ont des émotions et peuvent être touché par une rupture par exemple. Il est donc plus difficile d’échanger, de partager et de faire reconnaitre une souffrance au nom d’une catégorie sociale si cette catégorie sociale est construite sur le fait que la souffrance et la vulnérabilité sont taboues.

Accepter nos différences sans nier nos ressemblances.

Les femmes ont fait, et continuent à faire, leur révolution pour avoir le droit de faire comme les hommes sans pour autant être moins femmes. En effet les femmes sont autonomes financièrement, elles ne vivent plus socialement à travers un homme (le père ou le mari), elles gèrent leur carrière, leur vie sentimentale, accèdent à des postes à responsabilités et n’acceptent pas d’être stigmatisée par ce qu’elles sont des femmes.

Aujourd’hui nous pouvons sentir que les hommes commencent à faire leur révolution pour avoir le droit de faire comme les femmes sans pour autant être moins hommes et c’est la promesse d’une société où chacun souffrira moins d’un rôle à jouer sous prétexte d’un genre (exemple : les hommes qui militent pour un congé paternité plus long, la revendication de pouvoir exprimer ses émotions, la garde partagée pour les enfants etc.).

L’idée n’est pas de nier la différence entre les hommes et les femmes mais de remettre en question les constructions sociales extrêmes qui se sont créées autour de ces différences de sexes et qui enferme, finalement, tout le monde.

Pour aller plus loin : L’homme nouveau, viril, protecteur, sensible : Naissance d’une troisième voie


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