Skyzophrénie sentimentale d’une époque
L’amour est un périple dont on ne veut pas se priver à condition qu’il ne nous prive d’aucune autre expérience que la vie pourrait nous offrir. Aujourd’hui, on aspire à aimer avec fougue et passion tout en gardant une forme d’autonomie et d’indépendance individuelle. L’ivresse de l’Amour veut que l’on ne s’appartienne plus, qu’on se donne à l’autre dans un dévouement parfois aveugle et total. Alors que l’ivresse du Moi, du Je, de l’individualité, pousse à ne jamais s’abandonner, à ne jamais renoncer à soi. Paradoxe de notre ère où la quête du grand sentiment, de la passion se fait prégnant tout en faisant face à celle de la liberté, de l’indépendance à tout prix. Comment ne pas se perdre, voir cette liberté annihilée quand l’Amour, dans son essence la plus profonde, pousse à s’abandonner complètement à l’autre ?
Le choix semble binaire : on développe une interdépendance amoureuse qui avilit le Moi dans un cas et dans l’autre, c’est l’Ego aux dépends de ce Nous du couple et la juxtaposition de deux solitudes qui s’impose.
Alors comment se laisser porter par le parfum enivrant de la symbiose du couple sans y perdre les fondements de son Moi intérieur ?
L’illusion de la liberté
L’Amour dans ses premières manifestations, dans sa forme passionnelle des débuts, incarne un piège souvent fatal aux relations de couple. C’est un moment transitoire où l’on demande à l’autre de renoncer à sa liberté librement et où l’on s’engage sur le même chemin avec le même sentiment de volonté et de liberté. Mais l’aveuglement de ces premiers émois masque souvent deux réalités, celles de deux Moi individuels qui ont foncé tête baissée dans le renoncement d’eux mêmes. Car les divergences, les aspirations individuelles, les différences sont souvent invisibles lorsque deux personnes s’accordent à créer quelque chose ensemble. Et la séduction joue un rôle emblématique dans cette dynamique où chacun renonce librement à son individualité pour fusionner avec l’autre.
L’illusion de la liberté est la même que celle d’un oiseau en cage que son propriétaire chérit de tout son amour. Le voilà privé de son être intérieur, incapable de voler. On lui soustrait, par amour, la signification même de son existence. Vient le moment où il arrête de s’aimer par l’intermédiaire de celui qui le nourri , le chéri…et l’enferme. Car l’Amour prend alors une forme de cage dorée où la liberté devient illusoire et où l’être n’est plus en mesure de s’épanouir.
Révolution sentimentale pour la liberté
Chercher la liberté individuelle dans l’Amour passion c’est se résoudre à y trouver les déconvenues d’un oiseau en cage. L’incompatibilité règne entre la passion et le liberté du « Je », individualiste par essence.
L’amour prison, celui qui sévit sous toutes ses formes est un amour qui ne perdure pas. Car la liberté individuelle indispensable à l’épanouissement de l’être n’y existe pas.
Dans notre société, l’Amour de soi prédomine poussé par une cohorte de névroses. Le besoin d’être aimé, accepté, admiré, reconnu anime l’être humain dans un monde où le culte de l’individualisme règne à l’extreme. On ne sait d’ailleurs plus si le besoin d’aimer surpasse celui d’être aimé ou si c’est justement l’inverse. Quoi qu’il en soit, l’Amour au XXI° siècle a traversé une révolution sentimentale où le Moi renégocie sans cesse sa liberté. Liberté qui ne se recouvre que lorsque chaque acteur du couple s’accorde à vivre pour Soi avant de vivre pour l’autre. L’amour libre consisterait finalement à aimer l’autre plus que l’on ne s’aime soi même mais à vivre pour soi plus que l’on ne vit pour l’autre.
Lire la suite de l’article :
|