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Paris Match, Juin 2008 : le love coaching de Florence Escaravage

Semaine du 29 mai au 4 juin 2008 - Match Document sur LOVE INTELLIGENCE

AMOUR, LE GRAND APPRENTISSAGE

La séduction est un art, ce n’est pas nouveau !
Mais maintenant, c’est aussi une niche sur le marché des services. Le coaching amoureux est censé fournir des recettes pour tomber les filles, trouver une femme ou un mari, réussir à faire durer son couple.
Fondés sur l’expérience des instructeurs, le concept cartonne : toutes les sociétés de « love coach » ont vu leur clientèle doubler en un an.
Pourtant, ce n’est pas donné. Selon les formules et les profs, le séminaire coûte en gros de 100 à 1000 euros.
Et à entendre les clients, le retour sur investissement est assuré. Enquête.

TROUVER SA MOITIE, ET LA GARDER

Le coaching amoureux ? C’est trouver l’âme soeur, mais aussi apprendre à faire durer son couple. Florence Escaravage, patronne de Love Intelligence, énumère ses indispensables qualités : « Dans mon cercle intime, je suis réputée pour être à l’écoute des problèmes sentimentaux. J’ai toujours une parole franche, un regard lucide, tout en restant bienveillante. Je m’efforce d’avoir du discernement, d’être sans concession, et de trouver la bonne réponse pour aider l’autre à sortir d’une situation amoureuse insatisfaisante. » Ex-conseillère en communication et marketing, elle définit sa cible. « En général, ce sont des gens bien qui s’y prennent mal Beaucoup s’enlisent dans des histoires qui leur font perdre du temps. Certaines filles ne parviennent pas à se faire respecter et nombreux sont les hommes qui recherchent un profil de femme qui ne leur correspond pas. » II y a cinq ans, surprise, « quelqu’un me propose de me payer pour lui donner des conseils. 150 euros pour une heure trente, tous les quinze jours »

Cet homme de 41 ans avait un objectif précis : comprendre ce qu’il fallait changer pour réussir à construire une relation durable J’ai d’abord jugé la demande saugrenue, puis me suis dit. « Si j’aide mes amis, pourquoi ne pas essayer d’aider quelqu’un que je connais moins bien ? »

Mais tarifer ses conseils d’amie, c’est tarifer une expertise. Florence ne se sent pas assez qualifiée pour être rémunérée Alors elle se met à la recherche d’une méthode, en vain. Si le coaching amoureux existe déjà aux Etats-Unis, il n’est pas répertoné en tant que profession. Tout le monde peut s’autoproclamer « love coach ». La jeune femme, qui a déjà un MBA et un DESS, n’a pas envie de jouer les amateurs. Alors elle se forme : trois ans avec des psys, des sociologues et des coachs en business.

Elle parle également à Sylvie Tenenbaum et Serge Hefez de son projet. Enthousiaste, le psychiatre renommé accepte de faire partie de son comité d’experts. « II était d’accord avec moi sur le fait que ces gens, qui ne sont pas vraiment malheureux, n’ont pas forcément besoin d’une therapie. En revanche, certains jeunes couples doivent engager un vrai travail, se poser les bonnes questions pour réussir à comprendre quels sont les enjeux d’une relation »

Peu à peu, une amorce de méthodologie se dessine : comprendre son fonctionnement amoureux, porter un regard lucide sur ses histoires passées afin d’en tirer les enseignements sur le long terme et sur ce qu’il faut éviter Bien connaître ses valeurs. L’objectif est d’aider une personne à comprendre quelle direction prendre…

QUINZE PROFILS PSYCHOLOGIQUES

Les séances : de cinq à sept rencontres d’une heure tous les quinze jours, pour laisser décanter. Le but : être épanoui en amour. Et ça marche ! Madame la conseillère développe ses techniques d’accompagnement, ses clients doivent être amenés à trouver des solutions par eux-mêmes. C’est ainsi qu’elle aide son tout premier client à résoudre son problème :
« II avait une attirance pour un certain type de femmes, la bourgeoise indépendante. En même temps, il se sentait complexé avec une femme qui bosse, bien dans ses pompes. Mal à l’aise, il devenait envahissant par ses questions incessantes. Tout mon travail a consisté à mettre le doigt sur ce côté intrusif. Toujours dans l’introspection, il disséquait tout, et ses valeurs, trop féminines, lassaient les "battantes" qu’il convoitait. Et puis, victoire, apres une dizaine de séances de coaching, il a rencontré, il y a deux ans, la personne qui lui convient et ils viennent d’avoir un bébé ! »

_ Aujourd’hui, Florence est une petite entreprise, avec quatre coachs qu’elle a formés, et elle a déjà aidé plus de 150 clients. Leur programme est structure en une quinzaine de profils. Chez les femmes, par exemple, il y a la busmesswoman, toujours dans le contrôle, qui réfléchit trop à la relation. La coach en amour connaît son affaire « La magie amoureuse opère dans le "lâcher prise", en étant telle qu’on est et non pas en gommant ses défauts, qui ressurgiront forcément.

C’est dans un état de gêne que l’attraction prend naissance, dans cet espace un peu flou. Pour combler ce vide, on va essayer de se rapprocher. » II y a aussi, récurrente, la femme impliquée dans la relation alors que l’homme ne s’engage pas. Ou encore, celle trop maternante, qui, « trop gentille, est en réalité autoritaire et demandeuse Plus elle le couve, plus il a envie de prendre ses distances. Je conseille alors de lâcher la bride et de se faire respecter pour ce que l’on est. La personne comprend qu’elle doit changer de comportement pour induire un regard différent de son partenaire. »

Ses expériences lui ont fait repérer des constantes. L’immaturité affective, par exemple, qui entraîne une vision idéalisée de la relation La grande romantique attentiste, sûre de rencontrer un jour l’âme soeur, qui fait peu d’efforts pour prendre son destin en main : sortir, s’mscrire à des activités sportives ou culturelles et ainsi croiser de nouveaux visages.
« C’est une attitude justifiée quand on a 25 ans et que les autres sont en majorité célibataires. Mais ensuite, il faut favoriser la chance. Lâcher le rêve du prince charmant qui vous enlève sur son cheval blanc . » Pour ces femmes-là, même Meetic n’offre pas d’intérêt ! « De plus, le jour où elles font une rencontre, elles vont surinvestir sur le partenaire en pensant qu’elles ont enfin trouvé leur perle rare et la relation ne va pas se développer à son rythme. C’est aussi ce que nous enseignons : prendre le temps de se séduire et de se découvrir au fil des semaines pour ne pas mettre en péril une belle relation qui démarre. »

En fait, le temps permet de ne pas confondre l’état amoureux avec les sept autres qui lui ressemblent. Le désir sexuel par exemple : « Certaines femmes se précipitent. On leur explique que pour construire une relation en profondeur, il faut établir quatre connexions entre les deux partenaires : sexuelle, émotionnelle, intellectuelle et spirituelle S’il n’y a que le sexe et s’il n’y a pas eu de complicité en amont, il est clair qu’au matin, une fois le désir assouvi, l’homme aura envie de prendre ses jambes à son cou. »

TROP DE RENCONTRES TUE « LA » RENCONTRE

Prendre son temps avant le passage à l’acte, ça sonne terriblement rétro, n’est-ce pas ? Florence « Juste ! On n’a pas envie de perdre son temps, on veut se faire une opinion rapidement. De fait, on reste sur son quant-à-sol, on laisse moins de place a l’autre et surtout, on aiguise son esprit critique Au moindre doute on se dit que ce n’est pas la bonne personne et on fuit. Or ce doute est justement constitutif d’une relation, car pour avoir la conviction que, oui, le lien peut durer, il faut prendre le temps de se poser la question. Mais, actuellement, à cause de cette quête constante d’épanouissement rapide, à la moindre crise on prefère chercher un autre partenaire. » Ce qui est grandement facilité par les sites de rencontres. Merci Meetic !

Comme on est plusieurs fois célibataire dans sa vie, on devient boulimique « Certains qui viennent nous consulter se sont installés dans une surenchère de rencontres et ont émoussé le sentiment amoureux. Or il ne faut pas jouer avec ce sentiment, prévient Florence. Quand on a été amoureux quinze fois en six ans, le jour où l’on décide de s’arrêter net pour s’engager, c’est la disponibilité à l’autre qui fait défaut. »
Voici les deux grandes notions aujourd’hui malmenées l’effort à fournir pour comprendre l’autre et la place a lui faire dans sa vie.

Et il y a du boulot : « Certains célibataires ne savent pas ce qu’est une vraie rencontre, précise Florence, c’est-à-dire aimer l’autre pour sa singularité, avec ses failles aussi ils arrêtent car ils ne veulent pas traverser les crises, pourtant salutaires. Ils sont trop focalisés sur leurs propres attentes. Ils souhaitent une relation lisse et fluide. Encore une croyance qui les freine. L’amour est au contraire fait de multiples facettes, d’innombrables couleurs. Ils ignorent que la beaute d’une relation naît de moments éprouvants mais riches où se redéfinit le contrat, où l’on se réadapte, où l’on découvre l’autre tel qu’il est. Quand finalement, on sort de l’état amoureux pour entrer dans la maturité, dans l’état d’aimer. » L’envie d’être amoureux prime. Une vraie pathologie, car certains ne recherchent que cet état.

_ La société de consommation, les rencontres Internet, le « speed dating », entre autres, ont favorisé ce manque de repères. « Au début, c’est grisant, car on flashe souvent sur vous. Mais on se prend des claques, prévient Florence. Boire un verre avec quelqu’un qui ne vous rappelle jamais, sept ou huit fois de suite, c’est dur. Aussi donnons-nous des conseils pour réussir le premier rendez-vous, mettre toutes les chances de son côté en une heure, découvrir l’autre, se donner à connaître, créer une complicité »

Alors, comment opérer ? La spécialiste donne ses secrets : « La séduction est un message de bien-être adressé à l’autre. Il faut être ouvert, présent, plonger son regard dans celui de l’autre, lui dire qu’on est content d’être là. Bien sûr, idéalement il faudrait se revoir plusieurs fois ! Mais, là encore, les gens ne veulent pas perdre de temps. Attention, l’humain n’est pas jetable ! Je constate d ailleurs que le "speed dating" marche moins bien, car c’est trop difficile de se faire une opinion en seulement sept minutes ! »

MALADRESSE, INSÉCURITÉ, AVEUGLEMENT

La recette de Florence pour fabriquer un couple heureux : respecter l’individualité de son partenaire. Devenir son égal. L’aimer, l’admirer pour ce qu’il est et non pour ce qu’il représente Ne pas faire de projets sur lui, mais l’aider à s’épanouir, ce qui rejaillira sur le couple.
Concrètement, cela donne des prises de conscience révolutionnaires :
« Magali, 28 ans, a enfin compris la notion d’étouffement. Elle s’était prise en main a tous les niveaux, physique comme psychologique. Elle voulait être au top. Son problème amoureux est qu’elle considérait l’homme qu’elle venait de rencontrer comme un nouveau moyen d’atteindre son objectif elle voulait qu il s’inscrive dans son projet de fonder une famille. Elle oubliait l’autre, son rythme, ses envies. Pour que la relation marche elle devait laisser, chez lui, grandir doucement le désir. Ce début de la relation si fragile est parfois gâché par trop de précipitation à vouloir l’autre à soi. On dit l’aimer, mais on veut qu il réagisse comme on l’entend »

« Le problème d’une femme sur trois, note encore Florence, est de sans cesse vouloir être rassurée. Les clichés ont la vie longue. Toujours cette même injonction "Dis-moi que tu m’aimes ! » Pourtant les clientes de Florence, souvent trentenaires, pour la plupart belles et intelligentes, n’ont aucune raison de douter d’elles-mêmes : « Soit elles manquent de confiance en elles, soit elles ne savent pas s’y prendre, hasarde la coach. En ce moment, je travaille avec une jeune femme impressionnante de beauté. Elle n’a aucun problème pour séduire. Mais, justement, elle n’attire que des hommes impressionnables qui ont envie de vaincre leur timidité et qui n’ont pas sa force. Ce qui, évidemment, lui déplait. Elle sait qu’elle a besoin d’un homme bien dans sa peau. Mais avec ce type d’hommes, curieusement, ça ne marche pas ! La raison ? Dans un premier temps, lui, tout à sa virile fierté, a l’impression d’avoir conquis une tour imprenable. Mais comme cette jeune femme se sent effectivement seule, elle relâche le contrôle qu’elle avait sur elle quand, après plusieurs semines, elle le sent conquis. Brusquement, elle lui est totalement acquise, elle se rend disponible en permanence, et lui est devenu le centre du monde pour une femme qui semble n’avoir pas eu de vie avant lui. C’est ce décalage entre l’image et la réalité qui amené l’homme à s’enfuir »
A chaque difficulté sa recette ! Ça semble si simple…

Propos recueillis par Isabelle Léouffre
 
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